
Ma fille, Valentina, a fêté son anniversaire en début de mois. Son père l’a emmené chez la pédiatre pour un contrôle pour ses trois ans, comme il est coutume de le faire ici. Je n’ai pas pu m’y rendre personnellement vu que les salles d’attente des médecins en cette période de l’année sont pleines de virus. Je ne peux pas me permettre de tomber malade vu que j’allaite encore et mes nuits sont entrecoupées par des réveils de Tobias depuis sa naissance (j’accumule la fatigue en somme).
Quand ils sont rentrés de ce rendez-vous, j’ai demandé à the Husband de me faire un compte-rendu de ce qui avait été dit et ce qui s’était passé. Je m’attendais à des phrases comme : « elle s’est butée, elle n’a pas voulu faire les exercices », « elle est en retard sur le langage mais c’est normal, c’est comme ça pour tous les enfants bilingues voire trilingues ». Mais quand il m’a dit : « la pédiatre a dit qu’elle était grosse et qu’il faudrait penser à lui faire faire un régime », mon sang n’a fait qu’un tour. Non, je n’ai pas bien entendu, ce n’est pas possible, pas cette pédiatre que je respectais tant, pas un régime, pas à trois ans, pas ma fille! Vous avez pu voir des photos de ma fille dans mon article de la semaine dernière (cliquez ici pour aller le lire), elle n’est pas grosse enfin! Et puis quand bien même elle serait « grosse » (que ce mot est moche!), ce n’est pas une façon de le dire. Et le coup du régime… A trois ans quoi. Trois ans! A cet âge, un enfant est en pleine transition. Son corps passe du grand bébé au petit enfant. Le petit bidon mignon est toujours là, les bonnes joues aussi. Il découvre le monde et les saveurs, son corps et ses envies. En plus avec trois enfants, je crois que je sais m’occuper comme il faut de ce qu’ils mangent. Finalement, j’ai moi-même été en surpoids (j’en parlais dans cet article) et j’en ai assez souffert pour essayer au mieux que mes enfants ne passent pas par là.
Après ce coup de sang et avoir enragé tout le reste de la journée à cause d’un membre du corps médical qui croyait avoir la science infuse (quoi je suis encore énervée?), j’ai pris le carnet de santé de mon aîné pour voir ses courbes taille/poids au même âge que sa soeur. Oh beh tiens, à 500 grammes près, c’était la même chose et la taille, c’était kiff-kiff. Je ne me souviens pas par contre avoir entendu que mon fils était gros, non! Lui, il était bien portant, c’était un beau grand bébé qui allait devenir un petit garçon grand et fort. Sur le moment, je n’avais pas relevé cette remarque, j’étais une maman de deux enfants, Alexander était mon premier enfant, il grandissait et Valentina était encore un bébé. J’étais presque fière qu’on me dise que mon fils était beau, grand et fort vous voyez. Je suis remontée comme un coucou suisse à présent. De quel droit le corps médical se permet de juger de la corpulence d’une petite fille de cette manière? Pourquoi autant de sexisme dès la petite enfance, et de la part des médecins qui plus est? Pourquoi permettre aux petits garçons d’être rondouillets et l’interdire aux petites filles? C’est pour qu’elles rentrent dans les pantalons slim qui sont au rayon fille des magasins? C’est pour qu’elles soient dans la norme? C’est parce que les hommes sont le sexe fort et « visuellement » parlant, les femmes doivent leur plaire?
Avant de rentrer au collège, notre médecin de famille a conseillé à ma mère de me faire faire un régime parce que j’étais, moi aussi, grosse. Bien sûr, ma mère a accepté et… ce fut une grave erreur! C’était un régime avec les mêmes menus toutes les semaines, des protéines en veux-tu, en voilà (je devais manger dix à douze blancs d’oeuf par semaine!), une salade verte avec du thon le mercredi midi… Au goûter, j’avais le droit à une pomme et un verre de lait coupé avec de l’eau (mais quelle horreur!). Bien sûr, c’était bien (pour le médecin et pour ma mère), je perdais du poids, j’allais être dans la norme avant de faire mon entrée en sixième. Le médecin n’a jamais eu l’idée de proposer un rééquilibrage alimentaire pour commencer. Non, directement le régime, c’est ce qu’il y a de mieux madame! Et puis, je l’ai faite cette rentée au collège. Ma mère avait eu la charmante idée de choisir de me faire porter un fuseau (l’ancien petit nom du legging) fleuri. J’étais encore un peu enrobée et en ce jour de rentrée, en dix minutes, j’avais été étiquetée pour toute ma scolarité au collège : la rondelette qui s’habillait mal. Et puis j’allais manger à la cantine, plus à la maison avec ce régime protéiné. En bonus, ma meilleure amie à l’école et qui allait être dans le même collège que moi avait décidé de m’abandonner, faire comme si je n’existais plus pour elle. Vous pensez bien, elle n’allait pas s’afficher avec la grosse en legging! La rechute après ce régime a été difficile : moqueries et acharnement au collège plus la cantine (qui était un self-service), cela a été le combo parfait pour reprendre tout le poids que j’avais perdu et voir disparaître le peu de confiance en moi qui me restait. Avec mon passé, je sais que faire un régime n’est pas bon, surtout pour un enfant en pleine croissance. Plus de quinze ans après, j’en garde des séquelles, moralement parlant. Ce régime m’avait été imposé du jour au lendemain, et au final, il avait été inutile.
Et puis, en devenant « grosse » à nouveau, j’ai dû subir les quolibets des garçons de ma classe et de la cour de récréation : « oh la grosse, tu ne veux pas faire mes devoirs? », un pincement de fesses (on peut tout se permettre avec une grosse enfin, elle devrait être flattée qu’on la touche!) et une phrase que j’ai souvent entendu « bouge de là la grosse, tu prends toute la place! », « de toute façon, personne ne l’aime la grosse. Elle est moche et personne ne voudra d’elle » (entendu dans les couloirs du collège) et j’en passe et des meilleurs. Tout ce dont on a besoin pour grandir dans la joie et la bonne humeur. Du coup, j’ai commencé à manger plus, à grossir un peu plus chaque jour et à me sentir définitivement mal dans ma peau. Je vous passe le reste de ma scolarité où c’est pratiquement resté la même chose (sinon, vous ne lirez pas l’article jusqu’au bout).
En tout cas, je sais que je n’accepterais pas que ma fille (ou mes fils, car oui, les filles n’ont pas le monopole du mal-être) passe par là. Alors si elle se sent mal dans sa peau à cause de remarques de médecins, de camarades de classe ou tout simplement parce ce que l’image que lui renvoie le miroir ne lui plaît pas, je serais là pour l’aider à aller de l’avant et lui expliquer qu’un régime (ou se faire vomir, ou ne plus manger) n’est pas le plus adapté pour elle. Premièrement, il faut comprendre la cause de cet embonpoint et trouver les solutions pour y remédier, dans cet ordre, pas l’inverse.

Et maintenant que je suis lancée dans cet article, on en parle de la sexualisation des petites filles qui commence bien trop tôt? En grande fan de la série « stranger things », dès que je tombais sur un article qui parlait de la série sur les réseaux sociaux, je m’empressais de le lire, avide de détails que je n’aurais pas su voir lors du visionnage de la saison deux. Je suis tombée sur un article du « w magazine » (cliquez ici pour le lire) qui faisait entrer Millie Bobby Brown (Eleven) dans la liste des personnalités qui prouvent que la télé n’a jamais été aussi sexy. De façon la plus normale qui soit, le magazine inclut une petite fille qui rentre dans l’adolescence parmi des adultes, le tout en les décrivant de sexy. How sick is that seriously? Non mais on n’utilise pas le terme sexy pour une fille de 13 ans! C’est malsain, dégoûtant, répugnant! Apparemment c’est la « grande mode » à Hollywood en ce moment d’hypersexualiser les jeunes actrices. Mais pourquoi? Il ne faut pas être sain(e) d’esprit pour trouver une actrice de dix/douze ans sexy parce qu’un photographe lui dit de prendre une pose lascive durant une séance photo afin de faire le buzz avec la couverture du dernier magazine à la mode ou encore parce que le (ou la) maquilleur(se) s’est un peu trop lâché(e) sur le maquillage la faisant paraître bien plus vieille qu’elle ne l’est. Je dois dire que plus j’en lis sur le sujet et plus je suis révoltée.
Ca me rappelle des commentaires que j’avais reçus et qui m’avaient marquée quand j’étais plus petite, plus jeune et qui aujourd’hui font écho à ce que je viens d’écrire. Une amie de mes parents m’avait dit le plus naturellement du monde : « Linda, avec ton jeans là, on voit la marque de ta culotte. Tu devrais mettre un string, c’est plus beau! ». J’avais 12 ans. Encore dans le cercle d’amis de mes parents, un été, il faisait chaud, j’étais en débardeur mais en jeans car je n’assumais pas d’être en jupe, un homme : « ça te va drôlement bien ce petit débardeur là! Tu fais plus femme, j’aime bien. Tu devrais penser aux jupes aussi, ça serait bien » avec une main qui caresse mon épaule, un sourire entendu et un clin d’oeil en prime. J’avais 14 ans et j’ai eu l’impression d’être « sale » pendant des jours.
Pour finir cet article (plus féministe que je ne l’avais pensé en le commençant), la charge mentale et le harcèlement de rue, cela vous dit quelque chose?
Je suis mère au foyer, de trois enfants en bas âge qui plus est. Donc bon, l’ordre à la maison et l’éducation des enfants dans la journée jusqu’au retour de the Husband, c’est sur moi que ça tombe. Bah oui, c’est comme ça vu que nous vivons en Allemagne et que nous n’avons aucune famille autour de nous. Pas de vacances ou d’après-midis chez papy et mamie. Non, je ne me plains pas, j’ai choisi d’être mère au foyer avec tous les avantages et tous les inconvénients que ce choix entraîne. C’est juste un coup de main à prendre, des habitudes à trouver et tout roule sur des roulettes. Il y a des jours avec. Il y a des jours sans, surtout quand la fatigue s’invite à cause de plusieurs nuits blanches à la suite. Note de rappel, je suis mariée à un Chilien donc à la maison nous parlons espagnol et vivant en Allemagne, nous parlons allemand à l’extérieur. Au début, c’est une sacrée gymnastique mentale! Par exemple, l’éducatrice de ma fille me dit, en allemand, qu’il y a une réunion tel jour sur tel sujet, à telle heure. Je dois être sûre d’avoir bien compris tout ce qui m’a été dit, l’assimiler dans ma tête en français pour en discuter ensuite en espagnol avec the Husband. Je prépare les manteaux, les chaussures, les sacs à dos et la table du petit-déjeuner la veille pour gagner du temps le matin avant de partir au jardin d’enfants. J’aime que mon évier soit vide et propre avant d’aller me coucher, que les coussins du canapé soient rangés aussi. La nuit, Tobias se réveille pour une tétée nocturne, j’en profite pour aller voir mes deux aînés dans leurs chambres pour m’assurer qu’ils soient bien au chaud dans leurs lits. Et j’aurais encore plein d’autres exemples à vous donner, mais je crois que vous avez compris comment ça fonctionne chez nous. Non, je ne critique pas du tout the Husband, il en fait énormément à la maison. Il va faire les courses avec un ou deux enfants pour me laisser souffler, il fait tous les travaux à la maison, il nous cuisine régulièrement de bons petits plats, il s’occupe du coucher des aînés pendant que j’allaite Tobias, il fait même du repassage et les vitres! Pourquoi je vous dis tout ça? Eh bien parce que j’ai reçu un commentaire l’autre jour sous une de mes photos instagram qui m’a fait bouillir : « Whaaahhh le stress !!!!! Heureusement que tu ne travailles pas! Ca ferait beaucoup trop ». Cet homme (parce que c’était un homme, il est important de le signaler) disait clairement que parce que j’étais sans emploi (être mère au foyer n’est pas considéré comme tel pour lui apparemment), je ne pouvais pas être stressée sous-entendant sûrement que je n’en foutais pas une vu que je restais chez moi. Are you serious? Bien sûr que si voyons! Je suis toujours sur le qui-vive afin d’éviter un grain de sable ne vienne enrayer notre quotidien réglé comme du papier à musique. Il y a encore du chemin à parcourir pour que l’on arrive à une égalité des sexes pour certains.
Pour terminer cet article, je vous parlerais de mon expérience face au harcèlement de rue. Ici en Allemagne, la parité homme/femme est plus perceptible. Depuis mon arrivée en Allemagne, je n’ai jamais reçu de commentaires salaces de la part d’hommes dans la rue, que je sois seule, avec une amie ou bien accompagnée de mes enfants. Pas de « hey mademoiselle, t’es charmante. Ca te dirait une glace à la menthe? » (pour rester dans la sobriété). Beaucoup de femmes se considèrent comme le sexe fort ici. Ca se voit, ça se sent. J’ai même pu observer plus d’une fois des groupes de filles/femmes donner explicitement leur point de vue sur le fessier d’un homme qu’elles venaient de croiser dans la rue sans s’en cacher ou baisser le ton. Moi-même, je ne le ferais pas car « ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas que l’on te fasse » est une règle d’or à mes yeux. Je me trouve chanceuse de vivre ici pour ne pas avoir à apporter mon tweet à l’édifice du hashtag « balance ton porc », hashtag que je vois apparaître bien trop souvent sur les réseaux sociaux en ce moment.
Et vous, dites-moi un peu, les médecins vous ont déjà fait des remarques déplacées sur vos filles? Pensez-vous que j’ai raison d’être énervée? Vous étiez au courant de l’hypersexualistation qui sévit à Hollywood? Qu’en est-il de la charge mentale dans votre foyer? Le harcèlement de rue, y avez-vous été confronté(e)s?